François-Jean

(François Richet)

LA VOCATION…
J’ai sept ans, en ce soir d’été royannais ou le destin m’a donné rendez-vous dans le parfum enivrant de la prairie fraîchement tondue, mêlé aux senteurs plus lourdes des fauves, des chevaux, et de la foule… L’homme dont l’apparition vient brusquement de décider de mon destin est là, dans son habit de lumière, désigné par le doigt du projecteur. C’est un homme mythique dont la vie est une fête perpétuelle parmi les écuyères, les clowns, les magiciens et les acrobates, allant de ville en ville pour vivre des aventures exaltantes… Lucien Jeunesse vient d’apparaître tel un héros sur la Piste aux étoiles du cirque Pinder ORTF ! Il anime « le jeu des 1000 francs » dont l’écoute quotidienne me semble aussi naturelle et indispensable que l’eau fraîche. Oui ! Il existe vraiment ! Ce dieu est aussi un homme et cet homme est là, devant moi !
Dès lors, s’en est fait, ma voie est tracée : je serais animateur de radio, tout comme Lucien Jeunesse et ses amis de France Inter. Car il est évident qu’ils sont tous très copains et vivent une vie merveilleuse : ils sont toujours tellement joyeux et aimables que pour eux la vie ne peut être qu’un jardin de roses : Georges Lourier, dès le matin avec sa Conchita, Claude Dufresne tellement aimable et complice, Jean Bardin et ses 400 coups, José Artur dont j’ai plus tard apprécié tout le talent, et Pierre Dac qui me fascine…

BANZAÏ !
Été 1981 : je n’ai plus sept ans depuis déjà quelques années, la vie n’a pas permis que je mette les pieds dans la « maison ronde », mais j’aime toujours passionnément la radio et je suis « DJ », c’est déjà ça… Depuis quelque temps, en ratissant la bande FM, je tombe occasionnellement sur une voix qui dit émettre depuis un garage et parle de Royan… Se peut-il qu’il y ait une radio pirate à Royan ? Oui ! J’apprends bientôt qu’il s’agit de Mike Karyl (un pseudo…) qui fourbit ses premières armes avant de créer RCB (Radio Côte de Beauté). L’ami, marchand de hi-fi, qui vient de m’informer me dit aussi que cette radio sera ringarde, mais qu’une autre radio, beaucoup plus intéressante va bientôt voir le jour au Casino et que d’ailleurs il a fourni du matériel…
Pour moi, un studio de radio c’est quelque chose qui ressemble aux photos que l’on peut voir dans les magazines : une profusion de matériel technique, de l’espace et ce côté professionnel qui force le respect… Ici le local mesure environ trois mètres sur trois, et un matériel famélique manifestement de bric et de broc est posé sur une table où serpentent des câbles à l’ordonnancement aussi rigoureux qu’une répétition de Carmina Burana… J’y retrouve Philippe et Boule connus au lycée et leur dis mon enthousiasme. Ils me répondent « d’accord, surtout si tu peux avoir une fille dans ton émission, on en manque sur l’antenne »…
J’ai justement une fille dans mes connaissances que je n’ai pas trop de mal à convaincre de faire de la radio : Marylou, qui est aussi accessoirement ma femme. Nous mettons le doigt dans un engrenage propre à nous happer touts entiers et nous garder plusieurs années…
La radio étant pour moi un rêve d’enfant j’ai à cœur de m’y consacrer tout entier, de m’y immerger, d’être moi-même une radio ! La liberté étant totale je peux tout imaginer (et même n’importe quoi...) et le mettre en onde avec une jubilation intense. Les heures passées à préparer les émissions sont pleines et riches, et l’ambiance au sein de la station est chaleureuse, familiale. Qu’espérer de plus ? Un détail, peut-être, si : être payé pour faire la même chose.

LA RADIO VENT SON ÂME AU DIABLE…
Un jour ce souhait sera exaucé, mais ce jour-là le Diable à dû ricaner : l’enchantement s’est délité en quelques mois : la liberté s’est restreinte petit à petit, la radio est devenue commerciale, se devant de plaire aux annonceurs dont la largeur d’esprit se manifestait auprès des commerciaux, puis à certains édiles qui ont probablement obtenu plus qu’ils espéraient… Nos chemins se sont séparés. Son destin m’a laissé une impression d’amour déçu. Reste le souvenir d’une belle période, l’apprentissage d’un métier extraordinaire et quelques amitiés durables : le bilan est positif !

François-Jean (François Richet)

 

Trouvez dans le site
Search this site powered by FreeFind